Hong Kong: un procès pour serrer davantage le bâillon de la presse

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[vc_row][vc_column][vc_column_text wrap_with_class= »no »]Lundi 18 mai, alors que la presse de la région chinoise semi-autonome se dit de plus en plus entravée, Jimmy Lai Chee-Ying, fondateur du groupe Next Digital, sera sur le banc des accusés aux côtés de 14 autres figures du mouvement pro-démocratie.[/vc_column_text][vc_column_text wrap_with_class= »no »]Pour la seconde fois en moins de deux semaines, Jimmy Lai Chee-Ying, fondateur du groupe de presse Next Digital et pourfendeur de longue date du Parti communiste chinois, se retrouve lundi 18 mai sur le banc des accusés. Libéré sous caution après son arrestation le 18 avril, l’influent homme de presse de 71 ans comparaît aux cotés de 14 autres figures du mouvement pro-démocratie de Hong Kong, dans un procès éminemment symbolique à l’heure où la presse de la région chinoise semi-autonome se dit de plus en plus entravée.

Jimmy Lai est poursuivi pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales le 18 août et le 1er octobre. La police avait accordé une autorisation de se rassembler, mais pas de défiler. Or le rassemblement en une foule compacte de dizaines de milliers d’opposants à Causeway Bay s’est mué en procession, avant de dégénérer en affrontements avec la police, particulièrement violents le 1er octobre, jour de la fête nationale chinoise. Pour ces dates, comme pour les autres rassemblements massifs contre le projet d’extradition vers la Chine qui a déclenché la révolte populaire en juin 2019, Jimmy Lai était en première ligne du cortège et les appels à se mobiliser en gros caractères dans les pages d’Apple Daily.« Les alarmes devraient retentir fort après l’arrestation de Jimmy Lai, commente dans un communiqué le directeur adjoint de l’Institut international de la presse, Scott Griffen. Sa détention est un signe que, pendant que le monde est distrait par la pandémie de coronavirus, la Chine s’apprête à réprimer les médias indépendants à Hong Kong, dans le sillage du mouvement pro-démocratie. » Selon l’organisation, « les autorités de Hong Kong devraient abandonner les accusations contre Lai et protéger la libre circulation des informations indépendantes, par ailleurs fondamentales pour la réputation du centre financier international ».[/vc_column_text][vc_column_text wrap_with_class= »no »]

En 1997, lors du retour dans le giron chinois, l’ex-territoire britannique s’est vu garantir pendant 50 ans la préservation de ses systèmes judiciaire, législatif et économique. La région doit aussi conserver ses libertés, dont celle de la presse, inscrite dans l’article 27 de la loi fondamentale, sorte de mini-Constitution locale. Or, l’indépendance de la presse s’érode d’année en année. Selon le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, Hong Kong occupe la 80e place sur 180 pays. Il était à la 18e position en 2002. Et selon l’Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), principal syndicat de la profession, 9 titres sur 26 sont aujourd’hui détenus par des capitaux rouges. L’emblématique quotidien anglophone South China Morning Post a par exemple été racheté fin 2015 par le puissant entrepreneur Jack Ma et la chaîne TVB compte comme principal actionnaire le tycoon Li Ruigang. Les deux hommes sont encartés au Parti communiste chinois.Dans ce contexte de rapprochement économique grandissant avec la Chine, et de pression proportionnelles sur la presse, le groupe Next Digital et surtout le quotidien Apple Daily qu’il publie, fait figure de résistant. Apple Daily compte plus de 3 millions de lecteurs inscrits sur son site internet, pour une population de 7,5 millions d’habitants et vendait en moyenne 102 000 copies papier par jour en 2018. Le tabloïd mordant est un mélange de presse à scandales, d’actualités locales et de farouche opposition au gouvernement central de Pékin. « La liberté », voilà le plus beau salaire offert aux journalistes, expliquait en mai 2019 Jimmy Lai lors d’une conférence au Club des correspondants étrangers (Foreign Correspondents Club, FCC). « Nos journalistes savent qu’ils ne seront pas soumis à l’autocensure, qu’ils peuvent écrire la vérité et ce qu’ils pensent, librement. Ils peuvent être la voix de l’opposition à Hong Kong et même à Taïwan, où les médias sont muselés par des tycoons, car c’est l’une des façons les plus faciles d’obtenir les faveurs du gouvernement central », assurait alors le patron de presse, également implanté à Taïwan.

[/vc_column_text][vc_column_text wrap_with_class= »no »]Jimmy Lai a basculé dans la dissidence en 1989, après les massacres place Tian’anmen. Millionnaire autodidacte arrivé clandestinement à Hong Kong à l’âge de 12 ans depuis sa Chine natale, il avait vendu la marque de textile Giordano, qui avait fait sa fortune, pour ne se consacrer qu’à la presse. Il est depuis diabolisé sur les réseaux sociaux chinois, accusé d’être « un agent de la CIA » et le « cerveau des émeutes » de 2019 à Hong Kong. Le gouvernement central l’a dans le collimateur. « J’ai été approché à plusieurs reprises pour espionner et rendre compte des activités du journal aux autorités chinoises. Mais, pour protéger le journal et mes proches en Chine, j’ai démissionné », raconte, sous le couvert de l’anonymat, un ancien photographe d’Apple Daily. Le journal se dit par ailleurs la cible d’une campagne de boycott des annonceurs publicitaires. C’est « la pression invisible de Pékin, difficilement perceptible pour le public », mais qui touche l’ensemble de la presse hongkongaise, relève HKJA.

Parfois, la main de Pékin se fait plus visible. Pendant des mois, par exemple, de nouveaux médias récemment fondés et critiques à l’égard des autorités – parmi lesquels Hong Kong Free Press, HK01 ou Stand News – ont été empêchés de couvrir les conférences de presse du gouvernement local, au prétexte que les médias en ligne n’étaient pas considérés comme des médias professionnels. Plus récemment, fin mars, une interview du directeur adjoint de l’Organisation mondiale de la santé a créé la polémique. Interrogé par le média hongkongais RTHK sur la possibilité que l’OMS reconsidère une adhésion de Taïwan, Bruce Aylward a feint de ne pas entendre la question. L’entretien a déclenché l’ire de Pékin et les autorités hongkongaises ont vertement sermonné le média public pour avoir « bafoué le principe d’une Chine » et ne « pas avoir respecté sa mission de média public ». [/vc_column_text][vc_column_text wrap_with_class= »no »]Ces derniers mois, la pression s’est par ailleurs faite plus évidente encore sur le terrain. Depuis juin 2019, « la violence de la police et de citoyens contre des reporters en direct devant des caméras a reflété la réalité sur la suppression de la liberté de la presse », notait mi-mai le syndicat HKJA. Dans le dernier incident en date, le dimanche 10 mai, la police a infligé un traitement « brutal et humiliant » à des reporters qui « couvraient légalement » une manifestation, dénonce le comité de rédaction du journal Ming Pao. « Ils ne gênaient pas le travail de la police » mais ont été encerclés par des agents, sommés de s’agenouiller et ont été aspergés d’une grande quantité de gaz au poivre, « alors même qu’ils étaient en train de coopérer et de suivre les instructions de la police et avaient cessé de filmer ». Sept organisations de presse se sont scandalisées de cet incident, dénonçant le fait qu’« au cours des 300 derniers jours environ, la police a vu les médias comme des épines dans son flanc […] et [que] la violence contre les journalistes sur le terrain a été accablante ».

Journalistes mis en joue, arrêtés : « les cas de violence policière se sont accumulés depuis juin dernier, montrant clairement qu’il ne s’agit pas de cas isolés », dénonce HKJA. Le syndicat s’est même pourvu en justice à l’automne pour dénoncer ces « violations collectives de la loi par des policiers anti-émeutes et visant des journalistes », dont des dizaines ont été blessés et une éborgnée. Dans certains cas, les données personnelles de journalistes ont été rendues publiques. Selon un sondage réalisé par HKJA auprès de 222 journalistes, 65 % des personnes ayant répondu affirment avoir été la cible de violences physiques et verbales pendant leur travail. « La liberté de la presse à Hong Kong est tombée à un niveau record », s’alarme HKJA.[/vc_column_text][vc_column_text wrap_with_class= »no »]Dans ce contexte, l’arrestation et les procès de Jimmy Lai visent « manifestement à nuire à sa réputation », estime dans un communiqué Cédric Alivani, directeur du bureau Asie de l’Est de Reporters sans frontières, et à « dissuader les médias de couvrir les manifestations pro-démocratie ».

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